Ovide - Les Métamorphoses - livre IX vers 418
Histoire de Byblis, éprise de son frère Caunos, repoussée par lui et métamorphosée en source .

Les dieux du ciel voulaient tous à leur tour profiter des dons qu'Hébé venait d'octroyer à Iolaos en le rajeunissant. Aurore (Eos) demanda cet avantage pour Tithonos, Cérès (Déméter) pour Iasion, Mulciber (Héphaïstos) souhaite qu'Erichthonios puisse recommencer sa vie, Vénus (Aphrodite) aimerait un Anchise plus jeune. Jupiter (Zeus) intervient. Si Iolaos ou les fils d'Alcméon ont été transformé, ce n'est pas du fait du pouvoir de tel ou tel dieu, mais du fait du seul destin et il n'appartient à aucun dieu, fut-ce lui-même, de modifier les destins.

S'il le pouvait, il aurait rendu la jeunesse à ses fils; Eaque (avec les amours d'Egine), Rhadamanthe ou encore Minos, chargé de vieillesse (les deux frères avec les amours d'Europe - Ovide ne cite pas innocemment ces trois personnages dont la légende dit que Zeus en avait fait les trois juges des Enfers). Mais il ne le pouvait pas et pourtant Minos qui avait dénoncé les amours de Deioné (sa fille) avec Phoebus (ici Apollon), avait tant aimé son petit-fils Milétos que ce dernier s'enfuya pour fonder la ville de Milet.

Milétos épousa Cyané, la fille du Méandre et lui donna des jumeaux, aux corps d'une merveilleuse beauté; Caunos et Byblis. Or Byblis fut entrainée par un violent désir vers son frère, beau comme son aieul Apollon. Sa passion se développe en elle, sans qu'elle sache au début la nature. Ses rêves la hantent. "Pourvu qu'éveillée, je ne tente pas de commettre rien de tel" pense-t-elle. "Un songe n'a pas de témoin, et l'illusion de la volupté y est complète". Et d'envier les dieux qui ont épousé leur soeur; Saturne et Ops (dans le sens de Cronos et Rhéa), Océan et Téthys, Jupiter et Junon (Zeus et Héra), les fils d'Eole et leurs soeurs. Et malgré une interminable hésitation , elle se résout à avouer à son frère son amour sur une lettre et elle prend son style de fer pour graver la cire encore vierge.

"Moi Byblis, je suis vaincue, forcée de t'avouer mon amour, et de solliciter ton secours par de timides prières. . . Laissons aux vieillards le soin de connaître le droit. . . A notre âge convient la témérité qu'inspire Vénus. . . Je suis contrainte par une passion arrivée à son paroxysme". Et elle fit porter les tablettes à Caunus. Ce dernier se met en colère et menace le serviteur qui en informe Biblys. "Pourquoi ce secret qu'il fallait garder, l'ai-je sans attendre, confié à mes tablettes" pensa-t-elle. Puis, malgré le désordre de son esprit irrésolu, elle insiste, "Il succombera, il faut renouveler l'assaut." Caunos poursuivi, quitte son pays et va fonder la ville de Caunos (sur le fleuve Calbis en Carie).

Byblis transformée en source - Jean-Jacques Henner - 1867

Biblys perdit alors la raison. Et telle une bacchante de l'Ismaros, elle cherche son frère. Elle passe le Xanthe et la montagne de la Chimère au corps de bouc, à la poitrine et tête de lionne et à la queue de serpent. Et dans une forêt, fatiguée par la poursuite, elle tombe et reste prostrée. Les nymphes de Lélèges tentent de l'aider et de la guérir. Les larmes coulent abondamment sur le gazon, au point que les Naiades les transforment en filet d'eau intarissable. Puis Biblys est changée en source qui coule encore dans ces vallées.