L'Enéide de Virgile - Livre VIII

Le dieu Tibre aide Enée - Rencontre avec Evandre - la mémoire d'Hercule - l'âge d'or - l'intervention de Vénus

la forge de Vulcain - l'alliance avec les cités Etrusques - les armes divines d'Enée

Tandis que les chefs latins se préparent à la guerre; Messape, Ufens, Mézence guidés par Turnus, ils envoient même Vénulus en délégation à Diomède (qui après la guerre de Troie s'est installé en Grande Grèce), Enée s'endort tardivement et songeur. Le Dieu du lieu, le Tibre lui-même lui apparait. "Fils des Dieux (Vénus) qui nous ramènent les Pénates de Troie, qui est attendu sur le sol des Laurentes, c'est bien ici ta demeure future."

"Tu trouveras sous les chênes de la rive, une truie blanche avec trente nouveau-nés autour de ses mamelles. C'est le signe qu'au bout de trente années Ascagne (Iule) fondera à cet endroit Albe la blanche. Comment feras-tu pour vaincre les dangers ? Il y a là, une race issue de Pallas (fils de Lycaon, fondateur de Pallantium en Arcadie) qui ont accompagné le roi Evandre et qui sur une colline ont fondé Pallantée (pour Virgile origine du nom Palatin). Ils sont continuellement en guerre contre les Latins. Lève-toi, conclut un pacte avec eux, prie Junon pour qu'elle calme sa colère, et, plus tard tu me rendras hommage, car je suis le fleuve le plus agréable au ciel et c'est ici ma résidence".

Enée se lève, prie les nymphes des Laurentes, le Tibre leur père, puis fait équiper deux birèmes et remonte le fleuve. O prodige, il aperçoit une truie blanche et sa portée. Il les immole à Junon pour apaiser son courroux. Le Tibre se calme et devient aussi calme qu'un tranquille marais. Les troyens rament sans difficulté et aperçoivent la citadelle d'Evandre qui ce jour là officiait avec son fils Pallas (ne pas confondre avec le fils de Lycaon ci-dessus), en l'honneur d'Hercule. Pallas se dirige vers les troyens et les interroge sur leurs intentions. Enée se montre rescapé Troyen et en hostilité avec les Latins, à la recherche d'Evandre pour faire alliance.

Enée se présente. Il n'a pas peur de ce roi d'origine grecque, arcadien et même uni par la sang aux Atrides (par Carmenta sa mère, nommée également Timandra, fille de Tyndare et Léda, donc soeur d'Hélène et de Clytemnestre, respectivement épouses des Atrides Ménélas et Agamemnon, or Enée n'ignore pas que Troie a été détruite par la coalition grecque des Atrides)

Il rappelle que Dardanus est le fondateur d'Ilion (Troie). Il indique que Dardanus est fils d'Electre l'Atlantide (et de Jupiter), elle-même fille d'Atlas. Quant à Evandre, il est fils de Mercure (dans la version de Virgile), fils de Maia (et de Jupiter), laquelle Maia, la Pléiade est fille d'Atlas. Il conclut "Ainsi le même sang se partage en nos deux familles. C'est la même nation Daunienne (de Daunus, père de Turnus chefs des Rutules) qui nous poursuit." Evandre l'acueille avec chaleur d'autant qu'il se souvient d'avoir connu Anchise, lors d'une visite de Priam à sa soeur Hésione, reine de Salamine (après avoir été sauvée par Héraclès et avoir épousé Télamon). Anchise lui avait même donné un carquois splendide.

Il marque que l'alliance est acquise et il invite Enée à participer au culte d'Hercule. (après son passage, Evandre avait dressé un autel à Hercule qu'il reconnaissait d'origine divine, cet autel est l'Ara Maxima du forum Boarium à Rome). Evandre rappelle qu'Hercule l'avait libéré d'un terrible péril, le géant sanguinaire Cacus qu'Hercule écrasa dans sa caverne.

Hercule revenait de son dixième travail "les boeufs de Géryon" et remontait en Grèce en conduisant les Boeufs sacrés. Cacus enleva quatre des boeufs et les trainant par la queue pour tromper les empreintes, les cacha dans sa caverne. Hercule repartait avec ses bêtes qui mugirent. Or une génisse enfermée répondit aux meuglements. Cacus, pour la première fois apeuré, se réfugie dans son antre, bloquée par un roc immense. Hercule cherche vainement à passer et finalement aperçoit en haut de la colline, une roche aiguë penchée vers le fleuve. Hercule l'ébranle et la fait rouler dans un fracas de tonnerre. Mais Cacus découvre alors le ciel ouvert au-dessus de sa caverne. Hercule l'accable de projectiles; troncs d'arbre et grosses pierres. Cacus se cache derrière la fumée d'un grand feu, mais Hercule se jette dans le brasier et saisit Cacus en nouant ses bras autour de sa taille, étouffant le monstre hideux.

Hercule libère aussitôt la porte, puis ses bêtes, les autres rapines et le gigantesque cadavre. Dès lors on honora Hercule et on lui consacra le Plus Grand Autel (Ara maxima). Le repas sacré se poursuit, les Saliens (du verbe latin Salire, prêtres de Mars qui dansaient avec des boucliers sacrés) se mettent à chanter et on fait l'éloge du dieu-héros (Hercule, fils de Jupiter). Virgile cite alors les principaux exploits Herculéens et les fameux Travaux. Il étouffe les deux serpents placés dans son berceau, il renverse Troie et Oechalie (pour la conquête d'Iole), il tua les fils de la Nue; Hylée et Pholus (les Centaures, fils de Néphélé et d'Ixion - Néphélé était une nuée créée par Jupiter ayant l'apparence de Junon, car Ixion avait osé courtiser son épouse), il ramena le monstre de Crète (taureau), tua le lion de Némée, fit trembler les marais du Styx et le portier de l'Orcus (Cerbère gardant la porte des Enfers), le géant Typhée (fils du Tartare et de Gaia, la Gigantomachie) ne l'effraya pas, l'Hydre de Lerne ne l'a pas vaincu avec son armée de têtes. Et il célèbre le fils divin de Jupiter.

Evandre décrit les premiers habitants les Aborigènes (du latin ab origine, race autochtone), des faunes (roi Faunus) et des nymphes et une race humaine née du tronc dur des chênes, sans règles morales ni culture, ne savant ni cultiver, ni conserver les aliments ni les biens acquis, vivant de pénibles chasses et de fruits sauvages. Alors le premier Saturne arriva de l'Olympe (après la victoire de Jupiter, il vint en Italie), il donna des lois, donna le nom au Latium, ce fut l'Age d'or, le temps de son règne tranquille et paisible.

Mais vint un temps plus dur, dit de fer, avec la guerre et la rage de la possession. Vint Thybris le roi imposant (roi d'Albe selon Tite-Live, Latins selon Varron, et Etrusque selon d'autres). C'est alors qu'arriva Evandre fils de Carmantis inspirée par Apollon (Carmanta était devineresse, réputée et honorée). Evandre montre à Enée le bois sacré nommé plus tard Asyle par Romulus (car il créa ici un asile pour les étrangers), il désigne le Lupercal en l'honneur de Pan Lycien (la fête des Lupercales a été traditionnellement introduite par Evandre), le bois sacré ou un certain Argus trouva la mort, la terrible Roche Tarpéienne et le Capitole où l'on croyait déjà avoir vu le grand Jupiter, ici les restes d'un monument élevé par le divin Janus qui donna le Janicule et là ceux de Saturne qui donna la Saturnie. Il conduit Enée dans sa pauvre maison où Hercule fut reçu et invita son hôte à y dormir sur un lit de feuilles couvert d'une peau de lion.

De son côté Vénus est rassurée de l'arrivée de son fils sur la terre attendue, mais elle craint le bruit des armes des Rutules. Alors elle se rend chez Vulcain, son époux et le supplie de forger des armes nouvelles pour Enée comme il avait accepté de le faire à la demande de Thétis (pour Achille) ou de l'Aurore (pour Memnon). Comme il hésite, elle a pour lui un geste de tendresse et l'entoure de ses bras de neige. Le dieu forgeron lui avoue qu'il l'aurait fait déjà pour défendre Troie plus longtemps et ce malgré Jupiter et les destins opposés. Il s'engagea à armer les troyens et ce faisant embrassa sa si belle épouse et se coucha avec elle. (On mesure ici la séduction employée quand on connait l'infidélité légendaire de Vénus, dont Enée est le fils du mortel Anchise).

Au petit jour Vulacain se rend aux iles Lipari, les Vulcaniennes, dans son antre les Cyclopes Brontès, Stéropès et Pyracmon alimentent les foyers et font un bruit de tonnerre en frappant les enclumes. Ils forgeaient les foudres du Père des Cieux (Jupiter qui vient de Zeus-Pater donc Zeus-Père) fait de grêle, de pluie, de feu, d'éclair, du vent Auster, auxquels ils ajoutaient le fracas, l'épouvante et la colère. Ailleurs, on forgeait les Armes de Mars avec le char aux roues ailées, l'Egide (bouclier) de Minerve aux écailles d'or des serpents et la tête de la Gorgone

Vulcain arrête tout et ordonne de tout mettre en oeuvre pour réaliser les armes d'un grand guerrier. L'airain et l'or ruisselle on coule l'acier dans la fournaise. On façonne un bouclier énorme, les soufflets s'agitent, on trempe l'acier dans un bassin qui siffle, on frappe les enclumes en cadence et l'on retourne la masse avec de puissantes tenailles.

Au matin, Evandre et son fils Pallas se joignent à Enée accompagnée d'Achate. Il lui promet son aide même si faible, mais surtout il se propose de rallier à la cause des peuples alliés considérables (les 12 cités de la confédération Etrusque). Il mentionne la cité d'Agylla d'origine lydienne (actuelle Cervetri, ces habitants prirent le nom de Tyrrhéniens) qui secoua durement le joug que lui imposait Mézence, maintenant réfugié chez Turnus. Or c'est désormais toute l'Etrurie qui cherche à chatier ce roi impie. "Leur flotte est déjà prête et selon les aruspices, ils attendent un chef étranger qui les mènera à la victoire et toi Enée tu sera ce chef."

"Tarchon (fondateur de Tarquinies) les dirige et m'a envoyé un ambassadeur avec le sceptre et les insignes royaux." Et Evandre demande à Enée de prendre ce commandement tout en lui promettant l'aide de son camp et deux cent cavaliers dirigés par Pallas. On entendait au loin une trompette tyrrhénienne (trompette droite dont il en serait les inventeurs) et dans l'air Cythérée (Vénus) fit apparaître un prodige; des armes reluisantes qui s'entrechoquaient. Enée explique la promesse de sa mère et il songe à la folie des armes et celle de Turnus. On sacrifie à Hercule. Evandre fournit des chevaux, afin que la troupe troyenne rejoigne rapidement les peuples tyrrhéniens

Evandre prie et fait ses adieux à son fils Pallas. La cavalerie rassemblée quitte la cité au petit matin et se repose dans un bois. C'est là, profitant que son fils s'était isolé, que Vénus s'approcha d'Enée et lui apporta les armes forgées par Vulcain. Enée est émerveillé par ce travail, et surtout le bouclier sur lequel le dieu forgeron a représenté l'histoire future des descendants d'Enée avec les rois, la louve et les jumeaux (Romulus et Rémus), l'enlèvement des Sabines, Porsenna et Tarquin, Coclès, Clélie, la Roche Tarpéienne, les oies du Capitole, les Gaulois, Actium avec Auguste et Agrippa d'un côté, Antoine et la reine d'Egypte (Cléopâtre) de l'autre et la victoire d'Auguste et la fuite de la reine, le triomphe à Rome d'Auguste.